Manus: L’enfer sous les cocotiers

Article publié le 18 janvier 2015 sur le blog Sur les routes d’Asie centrale:

L’enfer sous les cocotiers : Manus island, l’île du désespoir

L’un a avalé des lames de rasoir, quatre autres de la lessive en poudre, quarante autres se sont cousu les lèvres.

Ils voulaient échapper à l’enfer, à l’âpreté de leurs vies, aux guerres ou aux dictatures. Ils sont soudanais, pakistanais, iraniens, égyptiens, irakiens, afghans, bengladeshi, rohingyas, sri-lankais, etc. et s’étaient embarqués clandestinement en Indonésie pour rejoindre l’Australie. Mais c’est l’enfer de l’île de Manus, une île au nord-est de la Papouasie Nouvelle Guinée, qu’ils ont trouvé.

Le gouvernement australien refuse d’accueillir les demandeurs d’asile sur son sol et les place systématiquement dans des camps de réfugiés sur deux îles situées à des milliers de kilomètres de leurs côtes : Manus Island (Manus Island Regional Processing Center) et Christmas Island. Le temps de traiter les dossiers. Un temps qui dure alors que les conditions d’enfermement dans des baraquements ou sous des tentes sont extrêmes. Au point qu’environ 400 d’entre eux ont entamé une grève de la faim, disant préférer retourner d’où ils viennent plutôt que de rester sur l’île où ils sont enfermés.

Certains internés sont là depuis plus d’un an et demi et n’ont pour perspective que de s’établir sur l’île sur laquelle ils se trouvent ou bien en Papouasie Nouvelle Guinée. Ce qu’ils refusent absolument, connaissant l’inimitié des locaux envers les étrangers.

Ils sont plus de 2000, répartis entre les deux camps des îles de Manus et de Christmas island.

La situation vient de s’aggraver, les réfugiés se sont soulevés mardi dernier [13 janvier 2015] et les gardiens ont reçu la consigne de ne plus entrer. Selon certaines sources, la police a dû tirer. Un interné rapporte qu' »un détenu s’évanouit toutes les trente minutes » et que « The guard try to turn our hunger strike into violence, like one year ago » [« Le gardien essaye de pousser notre grève de la faim vers la violence, comme il y a un an »].

80 d’entre eux signaient une lettre vendredi dernier : « Une catastrophe est sur le point d’arriver, s’il vous plaît, évitez ce désastre. Le gouvernement australien veut nous installer en Papouasie Nouvelle Guinée contre notre volonté, par la force. Nous ne voulons pas l’asile en Papouasie Nouvelle Guinée car il n’y a aucune sécurité et aucun avenir pour nous et nos familles. Aujourd’hui nous nous considérons comme des otages du gouvernement australien qui ainsi veut en dissuader d’autres de venir en Australie. »

Dernière minute : Les demandeurs d’asile se sont barricadés à l’intérieur et empêchent les gardiens d’entrer. Ils ont détruit leurs passeports.

L’Australie reste ferme sur sa position tandis que le ministre de l’immigration, Peter Dutton, confirme qu’aucun gréviste de la faim ne sera admis sur le territoire australien.

Partout des drames de l’immigration, conséquences des guerres et des dictatures.

Sylvie Lasserre

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