Le camp controversé de migrants de Manus, fermé par l’Australie

Article publié le 17 août 2016 sur le site de L’Express:

La Papouasie Nouvelle-Guinée héberge un centre de détention de centaines de réfugiés et demandeurs d’asiles refoulés du sol australien. Mais les deux pays ont décidé ce mercredi la fermeture du camp dans lequel les conditions de vies sont très critiquées.

« Ce sont des humains, tout comme nous. » Un ancien garde devenu lanceur d’alerte n’avait pas pu retenir son émotion au sujet du camp australien de migrants de Manus, hebergé en Papouasie Nouvelle-Guinée. Le centre de détention, situé sur une ancienne base militaire de la marine australienne, va être bientôt fermé, selon les deux pays qui sont sous le coup de nombreux rapports y dénonçant les conditions de vie.

Après des émeutes au cours desquelles un réfugié a trouvé la mort en février 2014, l’ex-garde Steve Kilburn a remis en cause la gestion catastrophique du camp, qui n’arrive même pas à fournir des repas quotidiens à tous les détenus, visés par des mauvais traitements. Les tensions y devenaient « inévitables », a-t-il expliqué à ABC News.

Des conditions de vie « illégales »

Dans le camp, des tentes sont alignées par dizaines pour accueillir les 854 personnes détenues, femmes et enfants inclus, selon le dernier décompte datant du mois de juin. Les pays d’origine de ses individus sont variés: Iran, Sri-Lanka, Pakistan, Bangladesh, Afghanistan…

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Des demandeurs d’asile, enfermés derrière un grillage à Manus, en mars 2014.

Le camp de Manus est un des symboles de la politique d’immigration controversée de l’Australie. Ouvert en 2001, il est présenté comme une solution pour accueillir les réfugiés et demandeurs d’asile relégués. Fermé sept ans plus tard lors du changement de gouvernement, le camp ouvre de nouveau en 2012 pour l’opération « Frontières souveraines » -dont la mission a peu changé- et est opéré cette fois par la compagnie de sécurité britannique G4S.

Concrètement, lorsqu’elle découvre une embarcation de migrants, la marine australienne l’intercepte systématiquement pour les renvoyer vers leur point de transit. Ceux qui réussissent cependant à gagner les rives australiennes sont placés dans des camps de rétention offshore, à Manus ou à Nauru, sur l’île-Etat du même nom. Mais en avril dernier, la cour suprême papouasienne a jugé « illégal et anticonstitutionnel » ce placement de demandeurs d’asile.

L’Australie assure que sa politique sauve pourtant des vies. En juin dernier, 28 bateaux transportant au total 734 personnes ont ainsi été refoulés depuis le retour des conservateurs au pouvoir, en septembre 2013.

Un réfugié tué lors d’une émeute

De nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, des médecins et des avocats ont dénoncé ce système australien de déportation des migrants et leurs conditions sur place, une fois à l’abri des regards extérieurs. Une politique très dure envers les demandeurs d’asile qui a produit plusieurs émeutes et affrontements avec les gardes à Manus.

L’Iranien Reza Barati, âgé de 23 ans, a été tué le 17 février 2014 dans ce camp où il était arrivé sept mois plus tôt. Deux gardes ont depuis été condamnés à 10 ans de prison en avril dernier, alors que le décès a provoqué une vive émotion en Australie, où des milliers de personnes ont protesté contre cette politique de contrôle de l’immigration.

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Une veillée en hommage à Reza Barati, le 23 février 2014 à Sydney.

La Papouasie Nouvelle-Guinée comme l’Australie sont aujourd’hui d’accord: « le centre doit fermer », a affirmé ce mercredi le Premier ministre papouasien Peter O’Neill après une entrevue avec le ministre australien de l’Immigration, Peter Dutton. A défaut d’un retour dans leur pays d’origine, les migrants pourraient obtenir une solution d’installation en Papouasie. Une solution « dangereuse » face au refus des communautés locales, souligne l’ex-gardien Steve Kilburn.

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Un manifestant devant le ministère australien de l’Immigration, en avril 2016.

Malgré ce cas emblématique du camp de Manus, Canberra a réaffirmé ne pas vouloir changer sa politique très restrictive. Autrement dit, selon Peter Dutton: « Aucun occupant du centre de traitement régional de l’Île de Manus ne pourra jamais s’installer en Australie. »

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