Lézard à langue bleue versus crapaud buffle

Article trouvé sur le site Futura-Sciences:

– Le lézard à langue bleue sauvé de l’envahisseur… par un envahisseur
Bruno Scala (Futura-Sciences) – 28 février 2012

    Qui pourra sauver le lézard à langue bleue du crapaud buffle, un envahisseur toxique ? Réponse : une plante, elle aussi toxique et invasive ! De ce ménage à trois australien, c’est le lézard qui sort gagnant et la nature qui montre qu’elle se gère mieux seule.


L’histoire écologique de l’Australie est truffée d’introductions incontrôlées d’animaux. Certaines d’entre elles ont posé des problèmes écologiques puis économiques importants. C’est le cas de celle du crapaud buffle (Rhinella marina ou Bufo marinus), introduit dans les années 1930 et devenu un vrai désastre environnemental. Mais ironiquement, une espèce de plante, invasive elle aussi, pourrait résoudre le problème.

C’est afin de lutter contre un coléoptère ravageur des plantations de canne à sucre, Dermolepida albohirtum, que le crapaud buffle a été importé en Australie. Il y a rapidement proliféré et représente maintenant un danger pour les espèces natives de l’île qui s’en nourrissent. Ce batracien sécrète en effet des toxines appelées bufadiénolides.

Le crapaud buffle, importé pour lutter contre un coléoptère ravageur, est devenu invasif.

Une plante invasive pour sauver les lézards à langue bleue

Les lézards du genre Tiliqua, que l’on appelle également lézards à langue bleue, font partie de ces prédateurs. Les populations de Tiliqua scincoides ont fortement chuté dans le nord du pays, où le crapaud invasif est présent. Mais depuis peu, les chercheurs de l’université de Sydney ont noté que certaines populations, qui n’avaient pourtant jamais été en contact avec les batraciens toxiques auparavant, étaient moins sensibles aux toxines que d’autres congénères. Les résultats sont parus dans The American Naturalist.

Quel est leur secret ? Une plante… invasive. Les populations qui vivent à côté des espèces du genre Bryophyllum – normalement endémiques de Madagascar – et qui s’en nourrissent ont en effet acquis une forme de résistance à la toxine de ces plantes, similaire à celle des crapauds buffles mais sensiblement moins puissante.

Bryophyllum tubiflorum, une plante toxique native de Madagascar.

Les introductions ratées en Australie

Ces plantes ont exercé une pression de sélection sur les populations de lézards et seuls les individus les plus résistants ont été sélectionnés. Lorsque les crapauds sont arrivés dans ces zones, leurs prédateurs étaient déjà préparés…

L’histoire pourrait plutôt bien se terminer pour les lézards à langue bleue et du même coup pour le gouvernement australien qui dépensait des millions de dollars dans la lutte contre les batraciens.

Dermolepida albohirtum, le coléoptère qui s'attaque aux plantations de canne à sucre.

Les Australiens sont d’ailleurs les champions de l’introduction ratée. À leur palmarès, on compte par exemple celle des lapins de garenne (Oryctolagus cuniculus) en 1859 pour la chasse récréative. Elle fut un tel désastre – 60 millions d’individus s’attaquant aux cultures en 1950 – que les autorités durent importer le virus de la myxomatose, face auquel certains lapins commencent à développer une résistance.

Dans les années 1840, les dromadaires ont été importés pour le transport mais ils sont devenus inutiles avec l’arrivée des voitures et pullulent maintenant tout en dévastant la flore locale. Malgré tous ces échecs, des chercheurs ont émis l’idée d’introduire des éléphants d’Afrique afin de se débarrasser des hautes herbes de la savane australienne… On n’apprend pas toujours de ses erreurs.

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